J'ai été surpris lorsque j'ai lu le commentaire de LeoMaxx, du maintenant célèbre SLAgora, sur un de mes précédents billets. J'imaginais que, si on était résident de Second Life - et a fortiori rédacteur en chef d'un magazine couvrant Second Life -, obligatoirement, on tissait de vrais liens, des liens réels, avec les autres résidents. Mais ce n'est pas le cas. Comme trop souvent, je me suis laissé aller à un a priori. Alors reprenons ce que dit LeoMaxx:
«je m'oppose à la théorie du "monde virtuel, créateur de lien social". Au contraire, le "monde virtuel nous regroupe pour mieux nous isoler". Car si Second Life aide à nous faire rencontrer de nouvelles personnes, il casse aussi un maillon indispensable à tout contact humain : la chaleur humaine. Le regard, le charme, l'attitude, autant de facteurs indispensables du bien-être social et absents de l'outil informatique.»
D'une certaine façon, je suis en partie d'accord avec LeoMaxx, des choses manquent sur Second Life. Je trouve, par exemple, génant l'absence de miroirs (un des éléments de la construction de la personne, en Carbonie), mais aussi des expressions du visage. Il n'est pas étonnant de voir le développement de huds pour personnaliser la marche, les sourires, les mouvements des avatars. Ceci étant dit, un monde numérique empêche-t-il la chaleur humaine? Non, je ne crois pas. Franchement, est-ce qu'il y aurait autant de drames émotionnels dans Second Life (qui me semblent plus nombreux, car plus rapides, qu'en Carbonie) s'il n'y avait pas une telle chaleur?

Mais, admettons que ces drames sentimentaux ne soient que des rencontres, qu'aucun lien ne se crée. Pourtant, on assiste à des mariages, à des alliances (en RP ou non), qui sont bien les signes de liens plus permanents. Est-ce réel? Il me semble, oui. En tout cas, je ne vois pas pourquoi ça le serait moins qu'en Carbonie. Ou alors il faudrait admettre que les seuls liens qui comptent en Carbonie sont ceux qui sont administrativement et juridiquement constatés?

On assiste aussi à de la solidarité, qu'elle fonctionne un temps plus ou moins long, qu'elle soit motivée par des intérêts personnels ou non: groupes diverses, achats collectifs de terrains, constructions communes. Qu'on puisse parler de communauté, montre bien qu'il y a du lien, à mon avis. Je pense notamment aux actions de l'école francophone, des mentors, de toutes les personnes qui prennent du temps pour accueillir et orienter les nouveaux résidents.

Certes, la «chaleur humaine», sur Second Life et sans doute plus généralement dans les mondes virtuels, doit prendre des voies différentes de la Carbonie et il reste sans doute bien des choses à construire et créer mais pourquoi ces liens, ceux du numériques, auraient moins de réalité qu'en Carbonie?

Les choses ne sont pas roses, non plus, en Carbonie. Lorsque Luc Plamondon écrivit Les uns contre les autres, en 1978, je doute qu'il pensait aux mondes numériques.



En Carbonie, aussi, on déménage, on coupe des liens, on s'investit dans une association puis on se retire, par manque de temps, parce qu'on fait autre chose, qu'on change ou que les choses changent.

Sans doute que, s'il n'y avait pas les enfants, qui nécessitent de construire et de se projeter dans la durée, la société de Carbonnie ressemblerait fort à celle de Second Life. Mais est-on moins humain parce qu'on n'a pas d'enfant ou que l'on n'est pas marié? Cela revient à poser la question plus générale de ce qu'est un être humain. En tout cas, je n'ai pas rencontré d'avatar qui ne l'était pas, même quand celui-ci avait l'apparence d'un robot, d'un renard ou d'une sirène. Et vous?